Savoir manier ChatGPT ou Gemini pèse aujourd’hui plus lourd qu’un master. Les entreprises changent leurs critères d’embauche, et ce glissement pourrait redessiner les règles du jeu professionnel.
L’idée semblait encore provocatrice il y a un an. Mais elle prend aujourd’hui la forme d’un constat chiffré, partagé par les plus grandes entreprises du monde : les diplômes universitaires ne suffisent plus à faire la différence. Ce que l’on sait faire avec l’intelligence artificielle devient un marqueur d’employabilité plus décisif que l’école fréquentée. Et cela change tout.
Les diplômes ne suffisent plus à convaincre les recruteurs
Jusqu’ici, un titre universitaire faisait foi. Il ouvrait les portes des entretiens, validait une expertise, rassurait les employeurs. Mais selon le dernier AI Jobs Barometer 2025 de PwC, cette hiérarchie des valeurs est en train de basculer. Dans les secteurs exposés à l’intelligence artificielle comme le développement logiciel, le marketing ou la finance, les compétences concrètes prennent le dessus.
Joe Atkinson, en charge de l’IA chez PwC, résume le tournant : ce n’est plus ce que vous avez appris, mais ce que vous savez faire qui compte. Et ce que vous savez faire, les recruteurs veulent le voir, pas le lire dans un diplôme.
Depuis un an, les exigences liées aux postes tech ont évolué 66 % plus vite qu’en 2024. Ce rythme n’est pas un simple ajustement. C’est une mutation. Dans ce contexte, savoir créer un bon prompt ou automatiser une tâche devient un atout décisif.
Les nouvelles compétences qui font mouche
Maîtriser Word ou Excel ne suffit plus. Ce qui séduit aujourd’hui un recruteur, c’est l’aisance à manier des outils comme ChatGPT, Copilot, Claude ou Gemini. Des noms qui, il y a trois ans, n’existaient pas encore dans les descriptions de poste, mais qui aujourd’hui y figurent en bonne place.
On cherche des profils capables d’apprendre seuls, de s’adapter vite, d’exploiter des modèles d’IA générative pour produire, analyser, automatiser. Ce sont des savoir-faire que peu d’universités enseignent et que beaucoup de candidats acquièrent par eux-mêmes, sur YouTube, via des forums ou des tutoriels interactifs.
Une forme d’autoformation active s’impose comme nouveau standard. Elle est souvent gratuite, largement accessible, et surtout alignée avec les besoins réels des entreprises.
Un accès plus large ou une illusion d’égalité ?
L’une des grandes promesses de cette transition est sa dimension démocratisante. Puisque l’important devient ce que vous savez faire et non où vous l’avez appris, on pourrait croire que chacun a désormais sa chance. Les autodidactes brillants, les curieux acharnés, les bricoleurs du dimanche peuvent postuler là où, hier encore, seul un diplômé accédait.
Mais cette égalité d’apparence pose question. Tout le monde n’a pas les mêmes conditions pour apprendre seul, ni les mêmes ressources, ni le même temps libre. Si l’université perd de son poids comme vecteur d’intégration, rien ne garantit que ce nouveau modèle ne produira pas, lui aussi, ses exclusions.
Le risque serait de substituer une inégalité d’origine (l’accès aux études supérieures) par une autre (l’accès aux outils, au temps, à l’accompagnement).
Le diplôme, dépassé mais pas mort
Pour autant, l’enseignement supérieur n’est pas condamné à l’obsolescence. Il reste pertinent, à condition de se réinventer. Dans les pages du rapport, plusieurs experts rappellent que l’université conserve une valeur clé : elle forme à la pensée critique, à la formulation de bonnes questions, à l’analyse en contexte.
Ce sont des compétences que les algorithmes ne maîtrisent pas encore et qui restent essentielles dans un environnement complexe, mouvant, saturé d’informations.
Le modèle qui semble émerger, c’est un équilibre. Un socle conceptuel solide hérité du monde académique, combiné à une agilité technique forgée sur le terrain. Un diplômé sachant prompt-er, un ingénieur capable d’improviser, un philosophe qui code. Les nouveaux profils hybrides ont déjà la cote.
Alors, faut-il tout quitter pour devenir prompt engineer ? Non. Mais ignorer cette tendance, ce serait manquer un virage que les entreprises, elles, ont déjà pris.