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Biomass : le satellite européen qui cartographie la biomasse des forêts mondiales

Le satellite européen Biomass est lancé pour cartographier la biomasse forestière mondiale et affiner les bilans carbone face à l’urgence climatique.

Elles couvrent un tiers de la surface terrestre, capturent d’immenses quantités de carbone, mais échappent encore à une quantification rigoureuse. Le satellite européen Biomass est lancé pour répondre à ce défi. Depuis le 29 avril 2025, l’Europe a mis en orbite un engin spatial conçu pour lever ce flou. Baptisé Biomass, cet outil scientifique sans précédent entend peser la biomasse forestière mondiale à l’aide d’un radar en bande P, capable de pénétrer les canopées les plus denses. L’objectif est clair : combler un angle mort des politiques climatiques et renforcer la crédibilité des bilans carbone planétaires.

L’incertitude forestière, point aveugle du cycle du carbone

Derrière les chiffres des négociations climatiques se cache une fragilité méthodologique. Si les émissions de CO₂ liées à l’activité humaine sont relativement bien quantifiées, les absorptions naturelles, notamment par les forêts, le sont beaucoup moins. Les marges d’erreur sont considérables. À surface égale, la quantité estimée de carbone piégé dans une forêt tropicale peut varier du simple au double selon les méthodes utilisées.

« C’est comme piloter une politique climatique à l’aveugle », résume Klaus Scipal, scientifique à l’ESA, en charge de la mission. « Sans connaître précisément le stock de carbone dans les arbres, nous naviguons à vue. »

Les mesures au sol sont précises mais locales, tandis que les satellites optiques n’offrent qu’une vision de surface. Pour sonder la structure intime des forêts — là où réside l’essentiel de la biomasse — une autre approche était nécessaire.

Biomass : une technologie inédite pour sonder les forêts depuis l’espace

Fruit de plus de deux décennies de recherche, Biomass embarque un radar fonctionnant en bande P, une fréquence jusqu’ici jamais utilisée pour l’observation de la Terre à des fins climatiques. Sa longueur d’onde, d’environ 70 cm, permet de traverser les couches feuillues pour interagir directement avec les troncs et branches, zones de stockage privilégiées du carbone.

Le satellite cartographiera la planète sur des zones de 200 mètres par 200 mètres, avec une précision visée de 20 %, couvrant forêts tropicales, boréales et tempérées. Durant cinq ans, il produira des cartes 3D de la biomasse terrestre. Ces données viendront alimenter les modèles climatiques, avec un niveau de résolution jamais atteint.

« Cette mission est une étape décisive pour comprendre l’absorption naturelle du CO₂ à l’échelle globale », précise le directeur général de l’ESA, Josef Aschbacher.

Une vidéo officielle publiée par l’ESA permet de revivre le lancement du satellite depuis Kourou : https://youtu.be/MejXrSjDlb0

Des retombées attendues bien au-delà des laboratoires

Les données issues de Biomass ne se limiteront pas à la sphère académique. Elles sont appelées à jouer un rôle stratégique dans les engagements internationaux. L’Accord de Paris impose aux États de fournir des bilans carbone détaillés. Mais beaucoup reposent encore sur des estimations parcellaires.

Biomass offre une opportunité unique d’harmoniser ces bilans, de suivre les efforts de préservation forestière et de détecter la déforestation illégale. Le satellite pourrait aussi donner une assise scientifique plus solide aux mécanismes de compensation carbone et aux programmes comme REDD+.

« Sans données fiables, pas de confiance. Biomass peut devenir un outil de transparence pour les politiques environnementales », souligne Hélène Paquet, climatologue associée à la mission.

Un projet européen ambitieux, à portée mondiale

Développé dans le cadre du programme Earth Explorer de l’ESA, Biomass a été assemblé par Airbus Defence and Space au Royaume-Uni. Son antenne radar, une structure déployable de 12 mètres de diamètre, a représenté un défi technique majeur. Le coût de la mission avoisine les 500 millions d’euros.

Son lancement par la fusée Vega-C depuis la Guyane française incarne également la volonté européenne de renforcer sa souveraineté dans l’observation terrestre. En fournissant des données indépendantes et ouvertes, l’Europe entend se positionner comme un acteur fiable dans la gouvernance climatique mondiale.

Une meilleure connaissance, pour une action plus juste

Les premiers jeux de données calibrées sont attendus d’ici la fin de l’année, après plusieurs mois de tests en orbite. Si les promesses sont tenues, Biomass permettra de mieux comprendre les capacités d’absorption des forêts, mais aussi leur évolution face aux pressions climatiques et humaines.

La mission ne résoudra pas, à elle seule, l’urgence climatique. Mais en dissipant une part de l’incertitude, elle pourrait permettre aux décideurs de fonder leurs politiques sur des bases plus solides. Reste à savoir si cette connaissance plus fine du vivant saura se traduire par des actes. Car la donnée, aussi précise soit-elle, ne vaut que par ce que l’on en fait.

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