Promu par Elon Musk comme le futur compagnon domestique, le robot Optimus de Tesla enchaîne les démonstrations. Mais sous la surface des vidéos virales, le projet reste loin d’une réalité accessible.
Un robot humanoïde qui cuisine, nettoie, arrose les plantes, sert des cocktails et joue aux échecs. Voilà le tableau que dessinent les dernières vidéos d’Optimus, la créature mécanique de Tesla, relayées par Elon Musk lui-même sur X. Filmé en train de s’activer dans une cuisine, de fléchir les bras en rythme ou de faire coucou à la caméra, Optimus déploie un éventail de gestes fluides et précis, à la limite du spectaculaire. Pourtant, chaque image révèle en filigrane les limites d’un prototype encore sous perfusion technique. Relié à des câbles, supervisé en temps réel, il incarne autant une avancée robotique qu’un outil de communication millimétré.
Présenté pour la première fois en 2021, sous la forme d’un acteur déguisé en robot lors d’un événement Tesla, Optimus est vite devenu l’un des projets les plus personnels d’Elon Musk. L’ambition ? Créer un assistant humanoïde capable d’occuper une place dans chaque foyer, comme un compagnon polyvalent au quotidien. Une vision futuriste, qui s’ancre dans le prolongement de la domotique, mais aussi dans l’imaginaire technologique promu par la Silicon Valley depuis des décennies. Depuis, les annonces se sont enchaînées au rythme des prototypes, chaque version un peu plus articulée que la précédente. En 2022, un premier modèle fonctionnel a vu le jour. En 2023, les démonstrations intègrent des mains plus agiles, capables de saisir des objets avec précision. En 2024, Optimus se dandine sur du Haddaway lors d’un événement, sert des verres à des invités surpris et s’anime devant les caméras. Mais de l’humain à la machine, la distance reste palpable.
Car sous les projecteurs, une réalité demeure. Ce robot, malgré ses performances grandissantes, ne fonctionne pas encore en autonomie complète. Il exécute des gestes dans des contextes prévisibles, sur des séquences préprogrammées, dans des environnements contrôlés. Ses vidéos ne sont pas mensongères, mais elles montrent un usage restreint, calibré pour impressionner. Loin d’un compagnon prêt à intégrer un appartement parisien ou une maison de province, Optimus est un démonstrateur de ce que pourrait être demain. Pas d’erreur de trajectoire, pas de discussions spontanées, pas d’adaptation à des enfants qui courent dans un salon. L’intelligence artificielle embarquée progresse, certes, mais elle n’a pas encore franchi le seuil de l’imprévu domestique.
Elon Musk, fidèle à sa rhétorique visionnaire, affirme que ce sera « le plus grand produit jamais conçu ». Il imagine 10 milliards de robots humanoïdes sur Terre d’ici à 2040. Un chiffre aussi démesuré que les promesses habituelles du patron de Tesla, qui voit dans Optimus un allié de tous les instants, y compris pour l’éducation des enfants. Pour convaincre, il mise sur le prix : entre 20 000 et 30 000 dollars, soit bien moins qu’une voiture neuve. De quoi séduire un marché encore inexistant. Car pour l’instant, aucun robot de ce type n’a franchi le cap de la production de masse. Les quelques modèles comparables, conçus au Japon ou en Corée du Sud, restent des curiosités technologiques, plus proches du gadget que de l’outil quotidien.
La robotique domestique avance, mais elle le fait sur un fil. Entre fascination et scepticisme, entre prototypes filmés et réalités logistiques, elle soulève autant de questions qu’elle n’apporte de réponses. Qui programmera ces machines ? Comment garantir leur sécurité dans un foyer ? Et surtout, à quel moment un robot cesse-t-il d’être une attraction pour devenir un membre fonctionnel du quotidien ? Rien dans les démonstrations d’Optimus ne permet encore de trancher. Ce qu’on voit est spectaculaire, parfois même touchant. Ce qu’on ne voit pas – les limites d’autonomie, les coûts de maintenance, la consommation énergétique – reste dans l’ombre des caméras.
Pour Tesla, la séduction passe par le récit. Et dans cette histoire-là, la frontière entre progrès technique et storytelling est poreuse. Optimus n’est pas un robot de science-fiction, mais ce n’est pas non plus un produit prêt à l’emploi. Il est un jalon, un prototype évolutif, un manifeste en mouvement. Un objet d’ingénierie, sans doute. Un sujet éditorial, assurément. Mais pas encore une solution.
Alors oui, l’enthousiasme est permis. Oui, l’idée d’un robot humanoïde capable de ranger les courses ou de jouer au Monopoly avec les enfants fait rêver. Mais entre l’image et l’usage, il reste du chemin. Et dans ce chemin, il faudra plus que des vidéos sur X pour convaincre.