Meta bouscule le marché en lançant des outils d’édition vidéo par IA ouverts à tous, avec la promesse d’une créativité plus libre et d’une intégration transparente sur Instagram. Les ambitions sont claires, les questions nombreuses, la concurrence reste à l’affût.
Créer une vidéo de dix secondes, choisir un effet parmi une cinquantaine, tout se fait en quelques gestes sur l’application Meta AI ou via Edits, le nouveau couteau suisse d’Instagram. Difficile de ne pas voir, dans cette offensive, une riposte directe au succès de CapCut et de TikTok, alors que ByteDance subit la pression des autorités américaines. Si la guerre des plateformes s’intensifie, c’est bien sur le terrain de la création que Meta veut prendre l’avantage, en rendant l’IA enfin simple, presque ludique, pour la majorité des utilisateurs.
Jusqu’où Meta compte transformer la création vidéo ?
Tout commence par une promesse : celle de rendre l’édition vidéo aussi accessible qu’un filtre photo. Meta ne se contente pas d’ajouter quelques gadgets ; le groupe mise sur une expérience intégrée, du mobile au partage sur Instagram ou Facebook. L’utilisateur télécharge une courte séquence, choisit un style — on passe de l’ambiance manga à la scène de jeu vidéo, d’un geste — puis laisse l’IA transformer le tout. Pour l’instant, l’édition se limite à dix secondes, un choix qui interroge les vidéastes plus ambitieux mais séduit les créateurs du quotidien. En arrière-plan, c’est le modèle Llama 4 qui turbine, censé garantir une personnalisation de plus en plus fine, bientôt pilotable par texte.
L’application Edits, quant à elle, ne s’arrête pas aux effets : elle intègre outils avancés, statistiques, et permet d’exporter ses vidéos sans watermark, là où la concurrence pose des barrières ou réclame un abonnement. Ce détail, en apparence mineur, pourrait bien faire basculer l’arbitrage des créateurs. La connexion directe à Instagram n’est pas qu’un argument marketing ; elle répond à l’urgence de poster, d’analyser, d’optimiser en temps réel. On pense forcément aux créateurs qui vivent de leur visibilité, toujours à l’affût du moindre avantage sur leurs concurrents.
Meta contre CapCut : le duel ne fait que commencer
En janvier 2025, CapCut disparaissait temporairement des stores américains, sur fond de tensions autour de TikTok. Ce vide, Meta l’a comblé en accélérant le développement d’Edits et en multipliant les annonces sur ses fonctions IA. Mais proposer cinquante thèmes préétablis et promettre l’arrivée prochaine de commandes textuelles suffit-il à creuser l’écart ? L’écosystème Meta, fort de sa base d’utilisateurs et de ses relais sur Facebook et Instagram, bénéficie d’un effet réseau impossible à ignorer. Les créateurs, eux, hésitent : doivent-ils parier sur la nouveauté ou rester fidèles à leurs outils habituels ? La question de la monétisation, des données, ou même de l’originalité réelle des vidéos produites, flotte en arrière-plan.
Pour l’instant, tout reste gratuit, mais le directeur d’Instagram laisse déjà entendre que certaines fonctionnalités pourraient devenir payantes. Une stratégie qui rappelle le modèle de CapCut : attirer, fidéliser, puis monétiser. Sauf que Meta joue sur tous les tableaux, intégrant son IA à toutes les étapes de la chaîne créative, du mobile à la publication, du montage à l’analyse de la performance.
Pourquoi l’édition vidéo IA s’impose-t-elle maintenant ?
Il suffit de regarder la croissance explosive des vidéos courtes, l’appétit des marques et des influenceurs pour la personnalisation, ou la pression constante pour produire du contenu original, pour comprendre l’intérêt de cette annonce. Les plateformes se livrent une bataille silencieuse sur le terrain de l’accessibilité : qui saura proposer l’outil le plus simple, le plus performant, le plus intégré ? Meta semble parier sur la fusion des usages : du scroll à la création, tout doit se passer sans friction. Ce choix répond aussi à l’évolution des besoins : poster vite, mesurer l’impact immédiatement, ajuster le tir, recommencer.
Reste à savoir si la prochaine étape, l’édition pilotée par texte, tiendra ses promesses. On imagine déjà la tentation de transformer chaque séquence en bande dessinée, chaque annonce en mini-blockbuster. Mais les attentes sont hautes ; il ne suffira pas d’accumuler les options pour convaincre les créateurs aguerris, ni de miser sur l’effet de nouveauté pour garder l’attention du public.
Ce virage amorcé par Meta signe peut-être le début d’une nouvelle ère pour la création vidéo mobile, où l’IA ne se contente plus d’assister, mais devient l’outil principal. Entre promesses technologiques, rivalités de plateformes et impatience des utilisateurs, le pari est risqué, mais la partie ne fait que commencer.