Google transforme la recherche avec son « mode IA » et redessine les règles du web

Clara Dumont
Rédigé par Clara Dumont
Interface de Google avec bouton Mode IA activé sur fond sombre, illustrant la nouvelle expérience de recherche par intelligence artificielle
Avec l’activation du Mode IA, Google introduit une expérience de recherche guidée par l’intelligence artificielle, centrée sur les réponses synthétiques et conversationnelles.

Avec le lancement du « mode IA », Google ne se contente plus de classer des liens : il reformule les réponses, redirige la navigation et impose un nouveau standard fondé sur l’intelligence artificielle.

Google n’a pas changé d’adresse. Mais en interne, son moteur de recherche n’est plus tout à fait celui que des milliards d’internautes consultent chaque jour. Derrière le champ vide de la page d’accueil, un autre cerveau s’est greffé. Il s’appelle Gemini 2.5. Et il ne se contente plus de chercher. Il comprend, reformule, compare, résume. En clair, il transforme l’acte de chercher en dialogue. Et ce basculement, discret à première vue, reconfigure les fondations mêmes de l’expérience numérique.

Le concept de « mode IA » évoque quelque chose de temporaire, comme un filtre activable. Mais Google l’assume comme une nouvelle norme. Lors de sa conférence annuelle, la firme a détaillé cette métamorphose qui dépasse largement la simple mise à jour technique. Dans les faits, le moteur devient une interface conversationnelle qui réunit en un seul espace les fonctions auparavant dispersées : la recherche classique, les suggestions contextuelles, les comparateurs, les recommandations e-commerce, la navigation vidéo, et même les résumés d’actualité.

Ce changement de logique se matérialise par une nouvelle forme de réponse. Là où l’on s’attendait à une série de liens bleus, on reçoit désormais une synthèse. L’IA reformule l’intention, sélectionne les éléments pertinents, les agence, les enrichit. Le tout, souvent, sans que l’on ait besoin de cliquer. C’est là que le modèle Gemini 2.5 joue un rôle central. Il reconnaît les ambiguïtés, détecte les questions cachées, adapte le ton et anticipe les attentes. Une requête floue peut ainsi produire une réponse structurée, ponctuée d’exemples et d’illustrations, comme le ferait un bon enseignant.

Interface du Mode IA de Google affichant des exemples de requêtes détaillées pour améliorer les réponses
Le Mode IA de Google invite l’utilisateur à formuler des questions précises, illustrant une approche plus contextuelle et personnalisée de la recherche.

Ce que Google appelle « AI Overviews » devient rapidement le nouveau visage de la recherche. Ces résumés intelligents, qui s’affichent en haut de page, remplacent peu à peu les liens traditionnels. Selon la firme, ils sont déjà consultés par 1,5 milliard d’utilisateurs. Ce chiffre n’est pas neutre. Il signale un changement de comportement massif. Moins de clics, moins de parcours, moins de dépendance aux pages externes.

Dans ce contexte, l’éditeur n’est plus au centre. C’est la machine qui sélectionne, reformule, attribue. Difficile de ne pas voir là une redéfinition des rapports de force entre ceux qui publient du contenu et ceux qui l’intermédient. Une étude de BrightEdge évoque une baisse de 30 % des clics sur les résultats naturels en un an. Derrière cette statistique, une réalité plus brutale : une partie de l’audience se détourne des sources pour se contenter de la réponse synthétique.

Mais la transformation ne s’arrête pas là. En parallèle, Google introduit la recherche directe dans les vidéos en streaming. Un événement sportif, une conférence en ligne, un cours universitaire : il suffit désormais de poser une question pour que l’IA retrouve l’instant précis où cette information apparaît. L’image devient consultable comme un texte, les flux vidéo se découpent en fragments indexés. C’est une autre manière d’abolir le parcours utilisateur traditionnel.

Même le commerce y passe. Une nouvelle fonction permet d’acheter automatiquement un billet selon les préférences définies dans la recherche. L’utilisateur énonce son besoin, l’IA explore les plateformes, valide les critères et conclut l’achat. Ce n’est plus une aide à la navigation. C’est une délégation d’action.

Dans l’ombre, Google prépare aussi le retour des lunettes connectées, cette fois épaulées par l’IA et des partenaires comme Gentle Monster ou Warby Parker. Une caméra, un assistant vocal, une interface légère. Rien à voir avec les Google Glass de 2013. Le produit n’est pas encore commercialisé, mais son existence signale une intention : réinvestir le champ du matériel, avec l’IA en première ligne.

À travers toutes ces annonces, un même fil rouge. Google veut unifier. Rassembler dans une seule expérience ce qui était auparavant éparpillé. Réduire les clics, intégrer les fonctions, anticiper les gestes. Le pari est clair : si le moteur répond mieux, plus vite et plus directement, l’utilisateur ne cherchera plus à aller ailleurs.

Ce nouveau paradigme soulève des questions complexes. Que deviennent les éditeurs dont le contenu est utilisé sans trafic en retour ? Quel contrôle sur l’information quand une IA fait le tri ? Que reste-t-il de la découverte, de l’exploration, de l’errance féconde du web ?

Google affirme vouloir renforcer l’accès à l’information. Mais il redessine en même temps les contours de ce que nous considérons comme une recherche. Le mot même change de sens. Il ne s’agit plus d’explorer. Il s’agit d’obtenir.

À cette vitesse, ce n’est pas seulement la technologie qui évolue. C’est notre manière de penser, d’apprendre, de comprendre. La question n’est plus : que va-t-on chercher ? Elle devient : comment allons-nous laisser une machine formuler la réponse à notre place ?

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