Avec ses nouveaux modèles IA maison, Windsurf veut dépasser le simple codage et secouer l’ingénierie logicielle. Une stratégie risquée, à l’heure où son rachat par OpenAI est presque bouclé.
Jusqu’ici, Windsurf était surtout connue pour sa façon atypique d’aborder le code. « Vibe coding », disent-ils. Pour faire simple, disons qu’ils permettent aux développeurs d’échanger avec une intelligence artificielle comme on discuterait autour d’un café. Ça marche plutôt bien. Le succès est là, l’intérêt aussi. Mais visiblement, ça ne leur suffisait pas.
Le voilà, le vrai virage : Windsurf lance ses propres modèles d’intelligence artificielle pour développeurs. Adieu la dépendance aux grands modèles de GPT ou Claude. Place à SWE-1, SWE-1-lite et SWE-1-mini, trois déclinaisons maison censées couvrir tout le spectre de l’ingénierie logicielle.
Alors oui, ça peut surprendre. Car justement, Windsurf est en passe d’être avalée par OpenAI pour trois milliards de dollars. Mais au lieu de jouer la carte de la prudence, la startup mise sur l’émancipation technologique. Un peu comme si, juste avant le mariage, elle décidait de montrer qu’elle peut parfaitement vivre seule.
Pourquoi ? D’abord parce que, selon Windsurf, coder ne suffit plus. Le développement logiciel, c’est plus complexe, plus chaotique. Ce n’est pas juste aligner des lignes dans un éditeur. Ça passe aussi par des interactions entre différents outils, des interruptions constantes, des requêtes internet imprévues et ces petits aléas quotidiens qui échappent souvent aux modèles trop rigides des grandes IA.
SWE-1, leur modèle le plus avancé, serait ainsi capable de rivaliser avec GPT-4.1 ou Claude 3.5 sur la plupart des tests internes. Mais attention, la startup reconnaît elle-même ses limites. Face aux tout derniers monstres du secteur, comme Claude 3.7, SWE-1 n’est pas encore à niveau. Un détail ? Pas vraiment. Mais c’est justement là tout l’enjeu de cette sortie : prouver qu’ils peuvent jouer dans la cour des grands, même si, pour l’instant, ils ne dominent pas le match.
Quant aux deux versions allégées, SWE-1-lite et SWE-1-mini, elles seront accessibles à tous, gratuitement ou avec abonnement, sans qu’on connaisse encore précisément les tarifs. Le modèle phare, lui, restera payant, forcément. Il faut bien financer l’effort, et Windsurf assure déjà que ses coûts d’exploitation seront plus bas que ceux de Claude 3.5. L’argument économique n’est jamais loin, et c’est logique.
On aurait pu croire à une stratégie d’affichage. Un joli coup marketing avant le rachat. Mais la réalité semble plus subtile. Windsurf insiste sur un point clé, souvent mal compris : « coder n’est pas développer ». Cette petite phrase de Nicholas Moy, le patron de la recherche chez Windsurf, sonne comme un défi lancé à ses futurs propriétaires. En gros, il leur dit : vous maîtrisez le code ? Bravo. Mais comprenez-vous vraiment le métier de développeur ?
C’est audacieux. C’est risqué aussi. Parce que finalement, derrière ce lancement, Windsurf met indirectement en jeu sa valeur stratégique. Soit ces modèles séduisent, et la startup gagne en crédibilité technique ; soit ils déçoivent, et c’est toute leur vision du « vibe coding » qui vacille.
Le pari est donc double : technologique d’abord, mais aussi philosophique. En lançant ses modèles IA maison, Windsurf tente de redéfinir ce que signifie réellement intégrer l’IA dans le processus de développement logiciel. Une intégration plus fluide, plus naturelle, moins mécanique peut-être, avec toutes les imperfections que cela implique. Quelque chose d’humain, finalement.
Pour les développeurs, la question reste entière : ces modèles IA spécialisés en ingénierie logicielle vont-ils vraiment changer la donne ou n’est-ce qu’une étape avant une absorption totale par OpenAI ? La réponse viendra sans doute vite, très vite. En attendant, une chose est sûre, Windsurf vient de lancer une conversation qui pourrait bien durer longtemps.