Pourquoi nous gardons trop d’onglets ouverts

Lucas Petit
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Lucas Petit est le pont qui relie le monde du blogging à celui du commerce électronique. Avec une double expertise en développement web et en marketing...
Fenêtre de navigateur Chrome affichant de nombreux onglets ouverts sur fond sombre.
Accumuler les onglets est devenu une habitude répandue, mais elle alourdit notre attention sans qu’on en prenne conscience.

Ouvrir des dizaines d’onglets sans jamais les refermer n’est pas un simple caprice numérique. Derrière ce geste apparemment banal se cache une tension cognitive profonde, un besoin de contrôle, parfois une peur du vide. Nos navigateurs sont devenus les miroirs silencieux de notre agitation mentale.

Vous en avez peut-être 12, 37 ou 54. Des onglets ouverts depuis des jours, parfois des semaines. Une recette à tester, un article à lire, une vidéo à finir. Puis une autre tâche, une autre fenêtre. Et soudain, ce n’est plus vous qui tenez votre navigation, mais elle qui vous retient. Loin d’être anecdotique, ce comportement est aujourd’hui scruté par les IA, les psychologues et les ergonomes. Car il en dit long sur nos modes de pensée, nos angoisses et notre rapport au numérique.

Un symptôme moderne : quand nos onglets nous dépassent

Ce besoin d’ouvrir sans fermer n’est pas forcément le signe d’un désordre. Il peut fonctionner comme une mémoire externe, un pense-bête ou un mécanisme d’auto-rassurance. Mais à partir d’un certain seuil, l’accumulation devient une charge. Gloria Mark, professeure à l’Université d’Irvine, le rappelle : « L’ouverture continue de pages sans hiérarchisation est souvent une manière inconsciente de reporter la décision. » Autrement dit, chaque onglet est une tâche en suspens, une injonction silencieuse à « revenir plus tard ».

23 minutes : le coût invisible du multitâche numérique

Ouvrir plusieurs pages donne l’illusion de l’efficacité. Mais notre cerveau, lui, paie le prix fort. Une étude de l’Université d’Irvine a démontré qu’il faut en moyenne 23 minutes pour retrouver un niveau de concentration optimal après une interruption. Or, chaque bascule d’un onglet à l’autre, chaque retour sur une page oubliée, crée une micro-rupture. Multipliez cela par 30 ou 40 fenêtres ouvertes, et vous obtenez une attention morcelée, une fatigue insidieuse, un brouillard cognitif persistant.

Voici comment évoluent les effets techniques et mentaux en fonction du nombre d’onglets ouverts :

Nombre d’ongletsImpact techniqueImpact mental
5 à 10NégligeableConcentration stable
15 à 25Ralentissement légerTension diffuse
30 à 50+Charge processeur élevéeDistractibilité, épuisement cognitif

Entre surcharge mentale et risque de sécurité

Ce que peu d’utilisateurs savent, c’est que les onglets oubliés peuvent aussi devenir des failles de sécurité. Le tabnabbing, par exemple, permet à une page inactive de se rafraîchir automatiquement en simulant une interface familière : messagerie, réseau social, tableau de bord professionnel. Résultat, un mot de passe mal saisi, et l’utilisateur tombe dans le piège. Une menace d’autant plus sérieuse que les sessions longues sont fréquentes au travail, et que la vigilance baisse au fil de la journée.

Les IA nous observent : faut-il s’en inquiéter ?

Des outils comme ChatGPT, Gemini ou Claude sont déjà capables d’analyser nos rythmes de navigation, la fréquence d’ouverture des onglets, la durée d’inactivité. Ces données, croisées avec d’autres, peuvent être interprétées comme des indicateurs de stress, de procrastination, voire d’épuisement émotionnel. L’intention peut être bienveillante, par exemple suggérer une pause ou une organisation plus fluide. Mais elle soulève aussi une inquiétude éthique. Le chercheur Alexandre Pauchet, de l’université de Lille, met en garde : « Il y a un vrai danger à tirer des conclusions psychologiques de comportements techniques. »

Reprendre le contrôle : rituels simples, effets durables

Réduire la surcharge ne signifie pas tout fermer, mais instaurer une hygiène numérique consciente. Cela commence par repérer les déclencheurs : peur d’oublier, besoin de tout garder, réflexe compulsif d’ouverture. Puis, mettre en place des outils simples. Des extensions comme One Tab, Workona ou Session Buddy permettent de regrouper les pages, de créer des sessions thématiques ou de les archiver intelligemment.

Mais c’est surtout la régularité qui change la donne. Un tri hebdomadaire, une règle simple — un onglet fermé = une décision prise — suffit souvent à alléger l’esprit. Ce geste, aussi modeste soit-il, recrée un espace intérieur.

Fermer un onglet, c’est refuser la dispersion. C’est accepter de ne pas tout faire, de ne pas tout retenir, de ne pas tout prévoir. C’est, en somme, retrouver un espace mental clair, capable d’accueillir une vraie pensée. Derrière ce clic banal, il y a parfois une forme de lucidité.

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