Une étude récente met en lumière un comportement surprenant chez plusieurs groupes de chimpanzés : des frappes répétées, structurées, qui évoquent une forme de langage rythmique. Une découverte qui interpelle sur l’ancienneté de notre rapport à la musique.
Dans les forêts d’Afrique, certaines scènes filmées par des éthologues surprennent autant qu’elles intriguent. On y voit des chimpanzés frapper le sol ou les racines d’arbres. Pas n’importe comment. Pas par réflexe ou jeu isolé. Leurs gestes suivent une cadence. Parfois rapide, parfois lente, mais toujours régulière.
Ces séquences, relevées sur des années d’observation, ne relèvent pas du hasard. Près de 400 épisodes de frappes ont été documentés chez 47 individus appartenant à deux sous-espèces vivant dans six groupes distincts. L’analyse publiée dans Current Biology démontre que ces rythmes diffèrent selon les populations, comme si certaines traditions locales s’étaient transmises au fil du temps.
Les scientifiques parlent de « régularité temporelle ». Un enchaînement de sons espacés par des durées précises. L’écart entre deux frappes pouvait parfois atteindre cinq secondes, ou être réduit à un dixième de seconde. Un éventail large, mais structuré. Ce qui intrigue, ce n’est pas tant le geste, mais son organisation.
S’agit-il d’un simple comportement moteur ? Ou bien d’un début de communication rythmique ? L’hypothèse d’un apprentissage, d’une forme de culture partagée, s’immisce. Certains chercheurs restent prudents. Il ne s’agit pas de musique au sens humain du terme. Mais la répétition, l’intention apparente, et la variation entre groupes plaident en faveur d’un phénomène social.
Ce que disent ces frappes, nul ne le sait encore. Mais elles brouillent un peu plus la frontière que l’on croyait étanche entre notre espèce et les autres. Si le rythme est présent chez nos plus proches cousins, alors peut-être qu’il ne nous appartient pas tout à fait. Peut-être que cette pulsation, primitive et universelle, résonne depuis bien plus longtemps que nous le pensions.