Notepad, longtemps resté inchangé, accueille désormais l’intelligence artificielle de Microsoft Copilot. L’éditeur de texte devient un outil d’écriture assistée, mais son accès reste limité aux utilisateurs payants. Une évolution discrète, mais stratégique.
On aurait pu croire que Notepad resterait à l’écart de la frénésie technologique actuelle. Qu’il échapperait aux injonctions du cloud, à la tentation de l’intelligence artificielle, à l’obsession de la productivité augmentée. Pourtant, c’est bien lui qui revient sous les projecteurs. Simple éditeur de texte depuis les débuts de Windows, il devient aujourd’hui un terrain d’expérimentation pour Copilot, l’IA maison de Microsoft.
Un clic droit, une commande rapide, et l’écran blanc s’anime. Le texte n’est plus seulement saisi par l’utilisateur, il peut désormais être proposé, reformulé, étendu. La fonctionnalité s’appelle “Write from Copilot”. Elle permet, sur un emplacement vide, de générer automatiquement un contenu à partir d’un prompt simple. L’idée est séduisante : offrir une première phrase, un paragraphe de départ, une structure d’introduction. Mais l’accès à cet outil n’est pas universel. Il faut disposer d’un abonnement Microsoft 365 ou Copilot Pro. Ce n’est pas une mise à jour gratuite. C’est un privilège.
Cette restriction n’est pas anodine. Elle dit beaucoup de la manière dont Microsoft envisage l’évolution de ses outils. Loin d’en faire un service systématiquement intégré au système, l’entreprise choisit de réserver ses fonctions d’IA à un public ciblé, celui qui paie, celui qui s’équipe. Et la tendance se confirme au-delà de Notepad. Paint, autre relique du système, reçoit lui aussi sa part d’intelligence artificielle : génération de stickers à partir de descriptions, outil de sélection automatique d’objets dans une image. L’outil Snipping Tool, de son côté, propose un recadrage intelligent des captures d’écran et un sélecteur de couleur précis avec valeurs HEX, RGB ou HSL.
Ces évolutions techniques dessinent un Windows à deux vitesses. D’un côté, les utilisateurs classiques, ceux qui conservent une machine antérieure ou ne souhaitent pas souscrire. De l’autre, ceux qui accèdent aux PC Copilot+, nouveaux modèles équipés de puces spécialisées pour l’IA, conçus pour déployer ces fonctionnalités sans latence. C’est une bascule silencieuse, mais décisive. L’intelligence artificielle n’est plus un supplément d’âme. Elle devient un critère de segmentation commerciale.
Reste à comprendre l’impact réel de ces fonctions sur l’expérience quotidienne. Dans le cas de Notepad, l’ajout de Copilot interroge. L’outil reste volontairement austère. Pas de police enrichie, pas de mise en page, aucun artifice visuel. Et pourtant, on y intègre désormais une IA générative capable de rédiger un argumentaire sur les bienfaits des plantes vertes ou de résumer un rapport de réunion. La question de l’usage se pose. Cette fonction peut-elle réellement remplacer un début de réflexion ? Ou ne propose-t-elle que des blocs textuels génériques, utiles pour gagner quelques secondes mais vite oubliés ?
Microsoft ne fournit pas de démonstration poussée. Aucun exemple intégré, aucune analyse comparative, pas même une estimation des cas d’usage cibles. Le déploiement se fait par vagues successives, à commencer par les membres du programme Windows Insiders. L’interface reste neutre, presque muette. L’utilisateur curieux devra tester par lui-même, avec ses mots, ses contextes, ses essais. Et, selon son abonnement, il saura s’il peut accéder à cette nouvelle dimension ou s’il doit s’en passer.
Ce mode de lancement traduit un positionnement très clair. Microsoft ne cherche pas tant à convaincre que à conditionner. L’IA ne se donne pas. Elle se vend. Elle se lie à un matériel, à une formule, à un engagement. Et en agissant ainsi, l’entreprise capitalise sur un réflexe bien établi : celui de la continuité. Les utilisateurs familiers de Paint, de Notepad ou de l’outil de capture n’ont pas besoin d’apprendre. Ils découvrent simplement que leurs gestes habituels peuvent être augmentés. Plus de fluidité, moins de friction. Mais à condition d’accepter un nouveau cadre.
Il y a derrière ce mouvement une logique stratégique assumée. Microsoft veut que Copilot soit perçu comme un environnement plus qu’un outil. Une présence diffuse dans l’ensemble des interactions numériques, depuis les tâches les plus simples jusqu’aux opérations les plus avancées. La suite Office, les applications natives, le système d’exploitation lui-même deviennent les supports d’un assistant permanent, discret mais toujours disponible.
Et dans cette vision, Notepad n’est pas un cas isolé. Il est un symbole. Celui d’une transition douce mais irréversible vers une informatique où le texte ne naît plus seulement de l’écriture humaine, mais d’une co-création silencieuse avec une machine. L’idée n’est plus de remplacer le geste, mais de le précéder, de le guider, parfois même de le devancer.
Loin des démonstrations spectaculaires ou des conférences technologiques grandiloquentes, Microsoft adopte une stratégie d’infusion. L’IA ne s’impose pas. Elle s’infiltre. Et c’est peut-être cette discrétion qui fait sa force. Car l’utilisateur n’a pas à changer de logiciel. Il découvre simplement, au sein d’une interface familière, une fonction nouvelle. Un bouton, un raccourci, un menu. Et derrière, une promesse.
Reste à voir si cette promesse tiendra dans le temps. Si les textes générés sauront convaincre, aider, enrichir. Si les abonnements justifieront leur coût. Et si, au fond, l’écriture assistée dans Notepad ne reste pas une curiosité technique plus qu’un besoin réel.
Mais dans une époque où le moindre outil devient intelligent, même le plus banal des éditeurs de texte peut révéler l’ambition d’un géant.